13 août 2012

Seikakou


Seikakou, un Asamushi Sencha de Yoshiaki Hiruma un peu particulier de par sa micro fermentation. Légère fermentation donc, qui lui donne de forts accents de wulong. A l'ouverture du sachet, c'est effectivement un parfum fleuri qui prédomine, accompagné d'une bonne dose de verdure japonaise. De la verdure dense et profonde, exempte des fruités vigoureux qui s'échappent d'ordinaire des sachets de sencha juste ouverts.


Paramètres recommandés : 4 grammes, 100ml.
80°C / 20" puis 90°C / 10"


La première infusion est d'une couleur bien douteuse pour un sencha : un vert jaune marron chargé, opaque et troublée. Visuellement, on est assez proche du Manma, ou d'un autre fuka bien "boueux" comme on dit :)
En bouche, il n'en est absolument rien, et encore une fois je suis surpris par ces thés japonais qui brouillent les cartes en proposant des liqueurs qui visuellement n'ont rien à voir avec la texture ou les sensations en bouche.


C'est très vert, très frais, rond et léger en bouche, très agréable, très sencha. La forte dominante fleurie détectée dans le sachet est évidemment de la partie et on la retrouve très distinctement dans la tasse. Tellement distinctement que c'est d'ailleurs ce qui ressort le plus. On pourrait vraiment croire à un wulong très vert et bien fleuri.

Deuxième infusion...


des ronds dans l'eau...

... qui me font penser à une parabole que m'avait racontée
le potier à l'origine de cette tasse...


"Trois enfants, un chinois, un japonais et une coréenne, se tiennent sur le bord d'un lac. 
Le petit chinois prend un caillou plat, le lance vigoureusement et réalise plusieurs ricochets, dès son  premier essai. Son camarade japonais saisit à son tour une pierre plate et, au bout de plusieurs tentatives et après une constante amélioration de sa technique, surpasse son ami chinois en nombre de ricochets et en distance parcourue.
La petite fille coréenne s'avance alors à son tour, prend un joli caillou d'une forme quelconque, et le jette en l'air. En retombant dans le lac sans faire aucun ricochet, le caillou produit une belle série de cercles concentriques, ce qui fait beaucoup rire la petite fille, qui tourne les talons et s'en va."


La deuxième liqueur est encore moins appétissante que la première : ça tend franchement vers la vase, mais ce n'est toujours qu'une information visuelle et les sensations en bouche sont diamétralement opposées...
L'augmentation de la température fait apparaître une belle amertume, très fine mais bien appuyée, qui donne du relief à ces notes fleuries pour le moins incongrues dans un sencha. C'est vraiment troublant.


Au final c'est un thé vraiment agréable à déguster, ce n'est ni vraiment un sencha ni franchement un wulong, mais un entre-deux aussi insolite qu'intéressant ! Pour être totalement honnête, je n'en boirais cependant pas tous les jours.


Les deux premières infusions relativement courtes permettent d'en réaliser plusieurs autres, surtout si le dosage est un tout petit peu plus audacieux qu'indiqué.

8 août 2012

Master Luo's Long Jing #2

Deuxième Long Jing de Maître Luo, toujours via la boutique londonienne de PostcardTeas. Celui-ci a été récolté le 7 avril dernier, soit 4 jours après celui que j'ai présenté récemment, l'exceptionnel 03/04 Master Luo's Long Jing... Je n'espère qu'une seule chose, c'est que ce lot sera du même tonneau que feu son illustre prédécesseur...


Les feuilles semblent un peu plus grandes et légèrement moins calibrées pour ce lot, mais ça reste vraiment anecdotique tant l'impression de qualité qui se dégage de ces petites feuilles est saisissante. Si tous les Long Jing du commerce avaient cette tête là, j'en boirais plus souvent :)

L'odeur des feuilles sèches est plus franche, plus dense et plus immédiate que pour le 03/04 qui faisait dans la discrétion. Ici c'est frais, très présent au nez, et les parfums de végétaux frais et de douce torréfaction sont aisément perceptibles sans avoir besoin d'approcher le nez outre mesure. Ce parfum de Long Jing est vraiment sublime.


Première infusion, toujours en petite théière porcelaine, un peu plus de 3 grammes de feuilles, eau chaude mais pas bouillante, 1 minute... je verse un peu de liqueur dans ma tasse Jingdezhen en porcelaine, puis...


...pas de jaloux, un peu de liqueur dans mon guinomi Bizen. 


Cette première liqueur est d'emblée d'un éclat saisissant. Plus directe, plus immédiate mais du coup un peu moins subtile que la première infusion du 03/04, elle est paradoxalement moins puissante en bouche. Ce que je veux dire c'est que si elle semble avoir davantage de 'goût', cette liqueur de Long Jing n'a pas le même impact énergétique en bouche (attention, je ne vais pas tarder à parler de chakras :)

C'est très frais (dans le végétal presque mentholé tellement c'est frais), extrêmement onctueux et velouté, le petit côté pâtissier apporté par la composante torréfiée est superbe, bref c'est très très bon. Mais oui, je confirme, je ne retrouve pas l'énergie stupéfiante que la première liqueur du 03/04 m'a systématiquement délivrée lors de mes dégustations précédentes. Hormis ce manque d'énergie, de puissance pétillante, cette première liqueur est vraiment parfaite, la rétro est superbe, bref : miam miam.


C'est r'parti pour un tour...


La seconde infusion est tout aussi bonne, mais certainement moins que celle du 03/04. D'après moi c'est tout simplement dû au fait que la première liqueur est moins puissante : mon palais n'ayant pas été mis en effervescence, en ébullition par l'infusion 1, l'infusion suivante ne peut pas bénéficier de ce qui faisait mon bonheur dans le Long Jing issu du lot précédent.

Si les parfums et la texture sont bien au rendez-vous, le rendu final est moins estomaquant que pour le pré-Qingming. En même temps, je ne vois pas comment ce deuxième lot aurait pu être plus enthousiasmant. C'est en tout cas difficilement concevable...


La troisième infusion accentue mon sentiment et semble confirmer ce que j'ai ressenti sur les 2 premières liqueurs : le goût est parfait, les parfums très chouettes, la texture irréprochable, la rétro superbe, la longueur en bouche honorable (quoi qu'en deçà de celle du 03/04), mais il manque quelque chose par rapport au lot précédent.


Un Long Jing encore une fois magnifique, difficile de trouver quelque chose à lui reprocher, cependant il m'est impossible de ne pas faire la comparaison avec celui du 03/04 qui, bien que moins "parfumé", délivrait une énergie incroyable et avait un dynamisme en bouche beaucoup plus impressionnant.

7 août 2012

Bulang 2012


Échantillon du cru 2012 du puerh brut Bulang d'Essence of Tea
Ça fait plusieurs semaines que j'ai cet échantillon sur ma "to-drink list", et je me décide enfin à l'ouvrir.


Des bourgeons clairs et duveteux, des grandes feuilles, des plus petites, rien à signaler au niveau des feuilles sèches, qui présentent plutôt bien. L'odeur est dense, épaisse, et me semble bien différente de celle des millésimes précédents. Si on retrouve bien de puissants parfums, j'ai l'impression qu'ils ne sont pas du tout dans la lignée des autres Bulang : c'est davantage une densité faite de bois, de "fumé-qui-n'en-est-pas-vraiment" et de torréfaction (le cocktail que j'assimile sans doute désormais à tort aux "vieux théiers") plutôt qu'un pôle boisé et végétal très mordant comme pour les 2010 & 2011...


Rinçages, infusions...


Je ne vais pas faire durer le suspens, je n'ai pas aimé ce puerh. Je n'ai pas re-goûté récemment les Baotang et QiShengGu qui m'avaient laissé plutôt circonspect, mais j'ai l'impression que ce Bulang est tout à fait dans la même lignée. Ce qui m'étonne d'ailleurs énormément : je ne comprends pas comment les Bulang si typés des 2 années précédentes peuvent avoir pour successeur un puerh aussi peu ressemblant...


Impressions de textures chargées, sensations peu plaisantes en bouche, forte dominante "vieux théiers" avec des notes bizarres de fumé/torréfié, je retrouve bien dans ma tasse ce que je n'ai pas aimé dans 2 des 3 galettes d'Essence of Tea que j'ai achetées cette année. C'est à n'y rien comprendre.


D'après les explications du site de la boutique, il s'agirait d'un blend de maocha provenant de 2 villages différents de la montagne Bulang. Le rendu est effectivement "exceptionnaly smooth" pour un Bulang, à tel point que c'en est méconnaissable. Plus aucun rapport avec les Bulang précédent que j'avais beaucoup appréciés (une fois dosé un peu plus légèrement qu'un puerh normal). Qu'il ne ressemble pas à ses prédécesseurs est une chose, mais ce qui est important c'est quand même le plaisir que l'on prend à vider sa tasse, indépendamment des considérations de terroir, de prix, d'année, de producteur etc... et là, honnêtement, plaisir zéro, j'ai arrêté la dégustation à la 5ème infusion, ce qui est un record je pense en ce qui me concerne.


Ce que je ne comprends vraiment pas avec cette fournée 2012 des puerh EoT, c'est cette dominante "vieux théiers" qui semble omniprésente (sauf pour la Bangwei 33, et je ne parle pas de la Guafengzhai que je n'ai pas goûtée). J'ai re-goûté plusieurs des puerh de la boutique des 2 années précédentes, je n'ai retrouvé cela dans aucune d'entre elles. Au moment où j'écris ces lignes j'ai entre les mains ce qui me reste de la galette Nannuo 2011, ce puerh n'a décidément rien à voir avec les 3 galettes EoT 2012 qui m'ont pour le moins désappointé !


Je suis preneur d'une explication, si quelqu'un a une piste...
En tout cas, pour ce Bulang 2012, pas de regrets, l'échantillon de 10g me suffira amplement !

6 août 2012

Yutaka Midori


Quatrième et dernier thé de ma commande Ocha, le Yutaka Midori, un fukamushi sencha de Kogoshima. Il a plutôt bonne réputation mais bizarrement, étant donné mes précédentes expériences avec les thés d'Ocha, je ne pars pas forcément avec un très bon feeling...


Comme pour ses prédécesseurs, le sachet est constitué de miettes, et renferme une spectaculaire odeur fruitée. Ici, j'ai vraiment la sensation de sentir un sirop de mangue ou quelque chose d'approchant. Faites sentir l'intérieur de ce sachet à l'aveugle à des personnes prises au hasard et demandez-leur ce que c'est, pas une seule ne pensera la moindre seconde à du thé vert !


Une fois passée cette vague de fruits absolument incroyable, on distingue le parfum de la torréfaction (hi-ire) et une base végétale fraîche bien ancrée. Pour déguster ce sencha, je choisis une de mes nouvelles acquisitions, un Yunomi Hagi-yaki de Shibuya Deishi. J'avais repéré ce style de tasse comme "brûlée" à sa base il y a un bon moment chez d'autres blogueurs, et j'ai finalement pu mettre la main dessus, grâce à Magokorodo, dont la réputation d'excellence en terme de sélection, de qualité de contact et de fiabilité n'est vraiment pas surfaite.


J'ai bu la première liqueur de ce Yutaka Midori sans vraiment m'en apercevoir, à vrai dire je ne sais pas si c'est bon signe ou pas. Honnêtement, c'est plutôt un bon fukamushi sencha à mon goût, sans non plus rien de remarquable en terme de parfums, de tenue en bouche ou de sensations. A noter toutefois une belle rétro fruitée / torréfiée, plutôt agréable mais relativement courte.


Deuxième infusion...


Au passage, avez-vous remarqué mon superbe Yuzamashi de Shimizu Ken ? 

( ^_^ )


J'avoue avoir eu un peu de mal à m'habituer à ces si grandes tasses pour boire mes quelques centilitres de sencha. Mais le pli fut cependant vite pris ! Et quel plaisir d'en admirer tous les détails tout en dégustant mon breuvage préféré ! Ces grandes tasses sont également idéales pour laisser les dernières gouttes s'écouler sans se fatiguer le bras :)


Deuxième infusion plutôt agréable, toujours un beau parfum fruité et une couleur très "fuka". Texture onctueuse, très très fine amertume, c'est plutôt pas mal.


Ci-dessous, la coloration des craquelures de cette glaçure est bien visible. Ce n'est pourtant que la trois ou quatrième utilisation ! C'est vraiment vivant comme céramique, l'évolution se fait presque à vue d'œil !


Troisième infusion également satisfaisante, je crois que c'est le sencha d'Ocha qui m'a - au choix - le plus intéressé ou le moins déçu. Aucun doute par contre sur cette tasse que j'adore déjà et que j'ai patiemment attendu pendant plusieurs mois, mais ça valait le coup !


1 août 2012

Master Luo's Long Jing #1

Premier des trois Long Jing de Maître Luo que nous propose Tim cette année encore via sa boutique londonienne, Postcardteas (sans compter les Long Jing parfumés, comme celui à la rose dont j'ai parlé récemment).


Ce Long Jing est le premier récolté et torréfié par Maître Luo, il date du 3 avril dernier.
J'ai vingt grammes de ce petit trésor entre mes mains (ou plutôt j'avais, malheureusement la photo date de quelques jours...). Les feuilles sont très belles, il y a peu de casse, la cueillette est très fine. L'odeur est peu puissante, une simple et douce odeur de torréfaction verte se fait sentir lorsque l'on approche le nez de ces petites feuilles caractéristiques.


Petite théière en porcelaine, un peu plus de 3g de feuilles, eau pas trop chaude mais pas tiède non plus (80/85°C). Une minute d'infusion, première liqueur.


Miracle de pureté et de translucidité, cette première liqueur ne laisse aucun doute possible : on est en présence d'un superbe Long Jing. D'ailleurs, je ne vais pas en faire des tonnes, c'est - comme l'année dernière - un Long Jing exceptionnellement fin et réussi.


Je ne vais pas m'attarder sur la description précise des parfums de ce thé parce que tout d'abord j'en suis bien incapable, et ensuite parce que c'est plutôt un goût classique de bon Long Jing : végétal, grillé, tantôt légume tantôt fruits à coques...


Ce qui - selon moi - fait l'excellence de ce Long Jing, c'est sa pureté incroyable, sa texture onctueuse comme jamais, sa rondeur, la puissance de sa rétro-olfaction, et surtout sa présence en bouche.
Le Long Jing n'est pas un thé extrêmement "parfumé" ou "goûtu". Buvez une tasse de Long Jing après avoir mangé un plat un peu relevé, ou après avoir bu un verre de vin, et vous aurez l'impression de boire de la flotte, ou peu s'en faut.


Mais préparé avec de la bonne eau, et apprécié avec un palais relativement frais, c'est une pure merveille. Les tout premiers thés verts 'nature' que j'ai goûtés m'avaient paru fades et sans intérêt. Je me demande si j'aurais eu la même réaction à l'époque si l'on m'avait fait goûter le type de Long Jing que j'ai la chance de boire aujourd'hui...


Je ne parle que très rarement de Qi lorsque je parle de thé ; je ne sais pas si c'est bien le terme approprié ici, et si on peut parler de Qi pour un thé vert (encore que, si j'ai bien compris on peut parler de Qi pour n'importe quoi en Chine : d'une personne, un lieu, un objet, un plat de nouilles...) mais quelle puissance en bouche incroyable pour des parfums si délicats ! Et si je parle de Qi ici et maintenant, moi qui n'y fais jamais allusion, c'est bien parce que ce pétillement frais sur la lange, cette vibration du palais, se répercute comme par magie et avec générosité dans tout le corps !


Allez, la photo qui a déjà été faite dix mille fois, mais bon... ^ ^


Sous sa palette gustative apparemment simple, ce Long Jing cache en fait une complexité aromatique dont je ne pourrais jamais entrapercevoir la fin. Au fil des dégustations et des infusions, on se surprend à trouver des parfums de confiseries (guimauve), de bois (genre crayon à papier), de fleurs... à moins que ce ne soit l'imagination qui prenne le relais.


Quoi qu'il en soit ce Long Jing offre une première infusion incroyable de par sa puissance, c'est une véritable griffe dans une patte de velours. Aucune astringence, amertume ou acidité, c'est la perfection faite thé vert.


Les deux ou trois infusions suivantes sont bien évidemment dans la lignée de cette première liqueur, mais avec un peu de force en moins. Ou alors c'est que le palais et les sens en général sont tellement imprégnés que le choc est moindre.


J'arrête ici, vous avez compris l'essentiel, pour moi c'est LE Long Jing. Finalement je préfère de loin n'acheter (au prix fort) que quelques petits grammes de thé vert chinois par an et assouvir ma soif de thé vert matinal avec les sencha plutôt que d'être déçu par les trois quarts (et encore) des verts chinois que j'achète...

Difficile à dire 1 an après, mais dans mon souvenir les Long Jing de Maître Luo ne m'avaient pas fait autant d'effet que celui-ci l'année dernière... GROS coup de cœur, je suis ravi :)