5 avr. 2012
Carré Chen Sheng 2009
Même provenance, même histoire pour ces quelques grammes du carré Lao Banzhang 2009 que pour le 2010. Étais-je passé autant à côté de ce puerh que pour le 2010 ? Y aura-t-il autant de différence entre ce que j'avais en mémoire et ce que je vais découvrir aujourd'hui ? Suspense...
Visuellement, et d'après ce que je peux en juger, ce puerh n'est pas extrêmement différent du cru suivant : de très beaux bourgeons argentés et duveteux à souhait, des feuilles de taille moyenne, relativement foncées.
L'odeur est tout aussi splendide que le carré 2010, à quelques nuances près : j'ai l'impression que ce millésime 2009 est plus dense en arômes, plus épais, et par conséquent moins fin, moins aérien et raffiné. Attention, ce ne sont que des nuances : le parfum de ces quelques morceaux de thé est proprement envoûtant, on peut passer plusieurs minutes à l'apprécier uniquement avec le nez, avant même de songer à la dégustation proprement dite.
Je retrouve un peu de ces fameuses "fins de tasses" mais c'est moins beau, moins émouvant car c'est ici un peu masqué par l'opulence des arômes. En tout cas, ça promet, et c'est suffisamment différent de la dégustation précédente pour être intéressant.
Rinçages express, première infusion. C'est divin, c'est parfait, c'est terriblement bon. Ça parle au corps et à l'esprit, il y a du velouté dans le moelleux de la liqueur mais aussi du tranchant dans l'amertume, c'est fin, sculpté, peut-être moins classieux que le 2010 mais plus immédiat, c'est d'une évidence limpide. Et surtout, surtout... j'ai dès la première infusion une fin de tasse mo-nu-men-tale.
C'est d'autant plus étonnant que c'est le seul endroit dans lequel je retrouve un parfum aussi génial : le couvercle du gaiwan est moyen, il donne même un peu dans le fumé, le pichet ne donne rien de particulier, mais la tasse vide, elle, est tout bonnement spectaculaire, même complètement refroidie.
Les liqueurs, relativement stables au fil des infusions mis à part quelques apparitions et disparitions successives d'odeurs rappelant certains parfums off de fumées, me paraissent moins spectaculaires car moins élégantes en bouche que pour le cru 2010. Le rendu est plus brouillon, plus touffu, mais quelle énergie ! L'amertume est bien présente, bien réelle mais se fond dans le reste et participe à la puissance de ce puerh, mais n'en reste qu'une des composantes.
Avec ce carré Lao Banzhang 2009 j'ai là aussi l'impression de déguster un thé de sensations olfactives et plus globalement corporelles avant d'être un thé de bouche. Cela dit, quel thé ! Quelle présence ! Et, au risque de me répéter pour la huitième fois, quels parfums !
Beaucoup plus endurant que son successeur, ce carré 2009 est proprement infatigable, 4g dans un gaiwan suffisant à produire même au bout d'une dizaine d'infusions des liqueurs très puissantes en quelques secondes... Décidément, ces petites feuilles semblent bien inoffensives, mais quel puerh !
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5 commentaires:
Je suis tout à fait d'accord avec toi.
Bien que ces deux thés soient divin, le 2010 est plus fin et subtil que le 2009...
Pari encore une fois gagné donc par Chen Sheng He, de monter encore la qualité, pourtant déjà excellente, de ce thé, en construisant un atelier sur place pour améliorer la technique du travail des feuilles...
C'est aussi tout ce travail pour une excellence de cette production qui explique en partie le prix du thé... qui soit augmente chaque année, mais dont de gros moyens sont mis en oeuvre pour toujours aller plus loin dans la perfection...
(Il faut quand mme rappeller que la production est de seulement qq dizaines de tonnes... et que les moyens mis en oeuvre pour produire le millésime 2010 ont étés considérables)
C'est intéressant aussi de noter que ce 2010, tout en surpassant encore tous les millésime précédent a été partiellement travaillé à la machine, pour justement permettre une augmentation de la qualité... ce qui remet bien en question une pensée romantique et trop communément entendu d'une prétendu supériorité du travail 100% artisanal...
La différence est en effet incroyablement perceptible au cours de la dégustation (mais pas trop sur les feuilles sèches) : là où le LBZ 2009 est brut et instinctif, le 2010 est davantage chirurgical.
On perd un peu en spontanéité, en naturel peut-être, mais on gagne en limpidité, en pureté. On se débarrasse également, avec le travail des feuilles sur place de façon "aseptisée" et "industrielle", de la moindre trace de fumée ou de parfums off résiduels. C'est implacable. Le résultat est là, rien à dire.
Alors 100% artisanal, non, pas forcément, il ne reste plus qu'à trouver la voie du milieu :)
Bon, du coup, je ne sais plus lequel j'ai goûté ! :-) Mais il me semble que c'était le 2010. Je m'en souviendrai toute ma vie car c'était au boulot et autant être honnête, ce thé m'avait rendu complètement "teadrunk" et ma collègue m'avait même demandé si j'avais bu (11h du mat, sympa...)
Le débat sur l'artisanal est intéressant. Le problème idéologique que j'ai avec Chen Sheng on va dire, c'est l'aspect monopole (89 familles sur 117 ont signé avec la firme d'après ce qu'on m'a dit). Cela ne regarde en rien la qualité du thé à la sortie. Honnêtement, j'aimerais bien avoir un ou deux exemplaires de ces carrés... Mais il est important à mes yeux que l'artisanat vive en tant qu'héritage culturel se transmettant de génération en génération. Ce genre d'usine, même si elle fait du bon boulot, tend à faire disparaître certaines traditions familiales, tout comme l'attrait de l'argent fait raser des arbres centenaires pour y planter des céréales ou autres...
Après, j'imagine que choisir un thé artisanal, c'est comme choisir d'acheter un produit bio plutôt que la version normale au supermarché. C'est un choix idéologique (et sanitaire), pour ceux qui en ont les moyens...
Merci en tout cas de proposer ces thés Olivier.
Bon...On les trouve où ces carrés ? A quel prix ?
Du bon/jeune/sheng, conforme aux descriptions que tu nous fais là Sébastien, ça m'intéresse !
@David,
C'est en effet une question complexe qu'il est difficile de généraliser, c'est un peu au cas par cas en fonction de la situation...
Si tu prends l'exemple de Chen Sheng à Lao Banzhang, tu as un terroir de qualité mais complexe (très grande différence entre les jardins, les arbres qui y poussent et les thés qui en sorte), et tu essaye à partir de ça d'arriver à une perfection (c'est très difficile, d'ou entre autre la nécessiter d'avoir accès à un grand nombre de jardins différents, ce qui dépasse largement la question de l'exclusivité)...
mais le travail (Sha qing, rou cha, séchage, etc) de nombreux petits producteurs du village est assez aléatoire et souvent baclé (je l'ai moi mme a plusieurs reprises constaté sur place)... alors que faire?
1.Dire avec fatalisme que c'est comme ça et qu'on ne peut augmenter encore la qualité (déjà très respectable) du produit?
2.Former toutes les familles et controler chez eux la qualité (pratiquement impossible)
3.Prendre en charge cette partie du travail en achetant les feuilles fraiches et en les travaillant (au passage c'est les mmes familles qui travaillent a l'atelier de Chen Sheng, juste avec un meilleur matériel et des technicien pour les assisiter ou controler si il faut)?
C'est le dernier choix qui a été entrepris... et je pense personnellement que c'est une bonne chose pour tirer un produit véritablement à la hauteur de la réputation (surfaite) de ce terroir....
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