Dans le cadre de la semaine du goût, j'ai été sollicité pour écrire des articles sur le thé. Peu enthousiaste initialement car très peu qualifié pour cet exercice, j'ai finalement accepté d'écrire quelques articles simples pour encourager les visiteurs du site web de la semaine du goût à aller voir un peu au-delà du thé en sachet. Je suis bien conscient que ces quelques lignes ne révolutionneront pas grand chose, mais si ça peut donner envie à un ou deux personnes, c'est déjà ça !
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La dégustation du thé chinois : tout un art ?
Le thé est la boisson la plus consommée au monde (après l'eau bien sûr).
Connue depuis plus de 2000 ans en Chine - le berceau du thé - cette boisson
est aujourd'hui appréciée dans de très nombreux pays.
Les variétés de thés consommées et les modes de préparation sont donc très
variables selon les cultures : qu'y a-t-il de commun entre un thé noir en
sachet infusé "à l'anglaise" et additionné de lait, un thé vert à la menthe
préparé au beau milieu du désert, et un thé matcha préparé par un maître
japonais lors d'une cérémonie qui peut durer plusieurs heures ? Pas grand
chose si ce n'est l'objectif final : boire une infusion de thé.
Le thé peut être comparé au vin à plusieurs égards : richesse et complexité
des palettes aromatiques, importance et influence des terroirs, des années et
des périodes de récolte, des processus de fabrication, du vieillissement... et
comme dans le monde du vin, on trouve de tout, les meilleurs crus classés
côtoyant les piquettes les plus infâmes. Si les palais français sont en général
éduqués pour apprécier le vin, le thé est souvent réduit à sa plus simple
expression : le sachet. Et pour continuer le parallèle avec le vin, un thé en
sachet est bien souvent comparable à un mauvais vin de table.
Les avantages des thés en sachet semblent pourtant nombreux : faciles à
trouver dans n'importe quel commerce, rapides et pratiques à infuser, pas
très chers, goûts multiples et variés. Cependant, tous les amateurs
s'accordent à dire qu'une fois qu'on a goûté aux thés d'origine, en feuilles, il
est difficile de revenir aux thés en sachets. Il suffit de comparer le contenu
d'un sachet de thé à de "vraies" feuilles de thé pour se faire une idée :
Alors comment sauter le pas ? Comment aborder ces thés auxquels rien n'a
été ajouté, ces thés dits "d'origine" ? Sont-ils nécessairement difficiles, longs
et délicats à préparer ? Sont-ils forcément hors de prix et difficiles à trouver
? Oui et non !
- Oui dans la mesure où pour tirer le meilleur parti de certains thés chinois, il
faut les préparer selon la technique dite du Gong Fu Cha, qui demande tout
de même un minimum de matériel, de savoir-faire, et qui nécessite d'avoir
du temps à consacrer à la préparation du thé. Cela dit, il n'y a absolument
rien d'insurmontable et il est plutôt facile de trouver de la documentation à
ce sujet.
- Et non, parce qu'il y a des moyens très simples, rapides et peu couteux de
préparer comme il se doit les thés chinois.
Voici deux objets extrêmement efficaces qui vous permettront d'infuser à
peu près n'importe quel thé chinois : le zhong (prononcez 'djong') et le set à
dégustation.
Le zhong est d'origine chinoise et il est totalement adapté à la préparation
des thés de Chine, quelle que soit la couleur du thé. Le set à déguster, utilisé
par les professionnels du thé pour juger de la qualité des thés qu'ils
sélectionnent, fonctionne tout aussi bien et est un peu plus simple à
manipuler mais n'a pas le charme du zhong. Ce dernier est également plus
évasé, ce qui permet aux feuilles d'avoir plus de place pour se dérouler. La
porcelaine a l'avantage de ne pas conserver les goûts des thés qu'on y
infuse. Préférez donc un zhong en porcelaine à son homologue en terre cuite,
surtout si vous comptez y faire infuser des thés de différentes sortes.
Vous pouvez vous procurer ces objets dans les boutiques spécialisées, ou sur
internet.
De quoi avez-vous besoin pour préparer un thé chinois ? Pas grand chose
finalement : de l'eau chaude, un zhong et une tasse (ou un set à
dégustation), et du thé !
Difficile de faire un choix parmi les centaines de références disponibles sur le
marché, je vous propose donc de commencer par un thé de légende, le Tie
Guan Yin (prononcez "tié kouanne yin"). C'est un thé wulong (ou oolong) qui
se décline en plusieurs types : plus ou moins oxydé, plus ou moins torréfié.
Je vous conseille de choisir un Tie Guan Yin faiblement oxydé et très peu
torréfié.
Ce thé se révèle riche en arômes et très agréable à déguster. Vous serez
peut-être surpris par son goût surtout si vous avez l'habitude de consommer
des thés parfumés. Dans ce thé "d'origine", les arômes perceptibles sont
absolument naturels : rien n'a été ajouté aux feuilles du théier. Celles-ci ont
été récoltées, flétries, oxydées, torréfiées, roulées, séchées, et emballées.
L'idéal est de verser au préalable de l'eau bouillante dans votre zhong pour le
"préchauffer" afin que la température soit maximale lors de l'infusion, mais
ce n'est pas indispensable pour un premier essai
1. Versez du thé dans votre zhong, de façon à ce que les "billes" de thé en
recouvrent le fond mais pas davantage, et faites chauffer de l'eau.
Les thés wulong (appelés "bleu-vert" en Chine) ne sont pas fragiles comme
peuvent l'être les thés verts. On peut donc (et on doit) utiliser une eau très
chaude pour que les feuilles de déroulent. Pendant que l'eau chauffe,
profitez-en pour apprécier l'odeur des feuilles roulées : c'est frais, végétal,
un peu boisé, floral avec des notes de torréfaction qui font penser à du pain
grillé, de la brioche...
2. Versez l'eau sur les feuilles, et placez le couvercle sur le zhong.
Avant de verser la liqueur dans la tasse, saisissez le couvercle du zhong et
sentez les arômes qui se sont accumulés sous le couvercle. Vous serez
surpris de constater combien ils diffèrent de ceux que vous aviez pu sentir
dans les feuilles sèches !
3. Au bout d'une minute à peine, vous pouvez vider le contenu du zhong
dans votre tasse, et déguster !
Attendez quelques instants pour porter la tasse à vos lèvres, pour ne pas
vous brûler ! Profitez de ce temps pour admirer les feuilles qui ont
commencé à se dérouler dans le zhong. Si votre thé est de qualité vous
devriez apercevoir au bout de deux ou trois infusions de grande feuilles de
thé plus ou moins intactes, telles qu'elle étaient lorsqu'elles ont été récoltées
! Sentez les feuilles encore chaudes, et buvez maintenant. Des arômes de
fleurs, de végétaux frais et des notes boisées devraient ravir vos papilles. Si
les arômes ne vous semblent pas assez prononcés, remettez de l'eau sur vos
feuilles et infusez un peu plus longtemps.
Avec ce type de thé, vous pouvez faire de nombreuses infusions successives
(une dizaine) en augmentant petit à petit la durée des infusions.
Au bout de deux ou trois passages, les feuilles seront complètement
déroulées, prenez le temps de les admirer !
Faites des essais, expérimentez, sentez, goûtez, l'univers du thé n’a pas de
limites !
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Je suis bien conscient des limites de cet article, qui ne fait qu'effleurer un sujet bien vaste que je maîtrise pas du tout, mais il fallait bien que j'écrive quelque chose, que je trouve un angle, que j'oriente un peu le sujet... bref, c'est vraiment un exercice très délicat qui m'a demandé pas mal de temps. Le plus difficile : verser du zhong à la tasse d'une main et prendre la photo de l'autre :)
Pour d'entre vous ceux qui ont eu le courage (et le temps) de le lire entièrement, merci de me signaler les erreurs / imprécisions / incohérences... relevées ! Quitte à publier un petit topo à l'attention du "grand public", autant ne pas écrire trop de co*#!§@"~$ !