30 mars 2011

Sencha de Yame

Présentation du premier des différents thés reçus récemment de la boutique en ligne Thés du Japon : un "Sencha de Yame".


Il s'agit d'un sencha à étuvage standard (futsumushi sencha) récolté sur l'île de Kyûshû, préfecture de Fukuoka.

J'ai modifié une carte trouvée sur le net pour faire apparaître les 4 îles principales du Japon (sur les 6 852 îles qui forment l'archipel du Japon !) que sont Hokkaido, Honshu, Shikoku et Kyûshû. Sur cette dernière, la préfecture de Fukuoka et la ville de Yame sont positionnées (clic) :


Encore quelques précisions (prises sur le site Thés du Japon) : c'est un sencha du printemps 2010, cultivar Yabukita (ce cultivar est largement majoritaire au Japon : il représente plus de 80% de la surface cultivée). Le département de Fukuoka est l'une des plus célèbres région productrice de thé du Japon, très réputée pour son gyokuro ainsi que pour ses sencha. D'après Thés du Japon, c'est un "sencha facile d'accès même au néophyte", c'est donc parfait pour moi, et ce n'est d'ailleurs pas totalement par hasard que j'ai commencé par celui-ci.

J'ai fait différents essais avec ce thé vert, en faisant varier les paramètres d'infusion.


Je pensais que les senchas à étuvage "standard" (futsumushi sencha), du fait de manipulations moins nombreuses, étaient constitués de feuilles relativement entières. Or le sachet contient beaucoup de brisures, de miettes. Il subsiste de belles feuilles entières, longues, fines et brillantes, dans une large gamme de verts, mais dans une proportion plus faible que ce que j'imaginais. Est-ce que la mise sous vide d'air du sachet a participé à la "dégradation" des feuilles ? Est-ce que, comme pour les pu erh, le fait d'avoir des feuilles brisées va potentiellement augmenter l'amertume de la liqueur dans la tasse ?


Pour commencer, j'ai suivi les recommandations indiquées sur le site de la boutique :

Quantité de feuilles : 3g / personne (augmenté à 4g pour une seule personne)
Quantité d'eau : 70 à 80 ml
Température de l'eau : 70°C
Durée d'infusion : 50 à 60 secondes

J'ai fait trois infusions en respectant ces paramètres (et en augmentant très légèrement la température de l'eau pour arriver à 75°C à la troisième infusion).

Infusion 1 : liqueur très douce, beaucoup de goût, avec des parfums bien présents mais sans amertume ni astringence. La liqueur est vert à vert foncée, un peu troublée par de fines particules. Très agréable à déguster, je confirme que ce sencha est "facile d'accès", et je le trouve vraiment bon.

Infusion 2 : davantage de goût, toujours aussi doux. La liqueur est beaucoup plus "chargée", c'est à dire très trouble, mais toujours aussi légère et douce en bouche, presque sucrée. C'est vraiment étonnant de constater à quel point l'aspect de la liqueur ne correspond pas au rendu en bouche. Cette liqueur trouble et foncée me fait penser qu'elle va être très corsée, très amère, ou au minimum "lourde" et chargée. Il n'en est rien du tout. Au contraire.

Infusion 3 : les parfums sont en baisse, ça reste ultra doux mais du coup presque trop car il n'y a plus assez d'arômes pour contrebalancer cette douceur. La longueur en bouche qui était vraiment bien sur les infusions 1 et 2 n'est plus aussi intéressante. Pour une dégustation plus "officielle" ou "sérieuse", j'imagine qu'il ne faudrait pas proposer cette troisième liqueur, mais en tant que débutant, c'est intéressant et ça reste tout de même très bon à boire.

***

Par la suite, j'ai tenté une infusion plus "costaud" :

Quantité de feuilles : 4g
Quantité d'eau : 40 puis 50 ml
Température de l'eau : 50 puis 70°C
Durée d'infusion : 90 puis 30 secondes

J'avais déjà utilisé ce genre de paramètres sur le tout premier sencha que j'avais infusé (le Taishou de Yoshiaki Hiruma). J'avais obtenu un résultat pour le moins corsé, relativement amer, un expresso de thé vert bien dense.

Infusion 1 (40ml / 50°C / 90 secondes) : liqueur extrêmement troublée, très puissante en arômes. Même dans cette infusion très "concentrée", je ne retrouve aucune astringence, ni amertume. Le thé reste doux en bouche, mais étrangement le côté sucré que j'avais bien aimé lors de l'infusion aux paramètres "standard" a plutôt laissé place a un aspect salé / iodé vraiment inédit pour moi.

Infusion 2 (50ml / 70°C / 30 secondes) : liqueur moins foncée, mais toujours aussi "strong" (ou presque). Malgré cette puissance aromatique, le thé reste relativement doux en bouche, c'est assez étrange.

Infusion 3 (50ml / 70°C / 30 secondes) : relativement semblable à la précédente.

Je suis beaucoup moins convaincu par cette infusion "extrême" que par la précédente version "standard". Arômes trop concentrés, liqueur très trouble, volume à boire vraiment faible et température trop tiède pour moi. Ce n'est pas "mauvais", mais cela ne me correspond pas. Pas pour l'instant en tout cas.


Dernière version, avec toujours 4g de thé mais cette fois davantage d'eau (120 ml), et davantage d'infusions :

Infusion 1 (1 minute, 70°C) : liqueur très ronde, gourmande en bouche, rendu ultra doux. Très vert, assez parfumé et bonne longueur en bouche, honnêtement, c'est très bon.

Infusion 2 (quelques secondes, 75°C) : liqueur beaucoup plus trouble, davantage de présence en bouche et de longueur, des parfums plus appuyés. Je trouve cette infusion est vraiment parfaite (à mon goût en tout cas). Rien à redire, c'est excellent.

Infusion 3 (quelques secondes, 75°C) : en baisse, moins intéressant que la précédente, mais toujours aussi agréable à boire.

Infusion 4 (1 minute, 80°C) : je crois que je ne retrouverai pas la perfection de l'infusion 2, j'arrête ici.


Il y a évidemment toute une déclinaison de paramètres possible entre ces 3 versions. Une multitude de variantes à l'occasion desquelles on peut faire varier le volume d'eau, puis la température, puis la durée d'infusion, ou bien deux de ces paramètres simultanément, ou bien les trois...
En entrant dans l'univers des thés japonais, je pensais être guidé par des paramètres précis, ne pas avoir à tâtonner, à faire des essais, mais c'est loin d'être le cas. J'ai apprécié les trois versions de ce même thé (avec toutefois un sérieux bémol pour la version "expresso de l'extrême"), et je suis certain que d'autres essais avec d'autres paramètres donneront aussi de très bons résultats car il s'agit à l'évidence d'un très bon thé.

Existe-t-il un "résultat type" à obtenir avec ce sencha ? Dans quelle mesure les préférences gustatives personnelles doivent-elles prendre le pas sur un éventuel "idéal" de liqueur que l'on est plus ou moins sensé obtenir au final ?
Ne se retrouve-t-on pas en fin de compte dans la même posture qu'avec un pu erh où - presque - tout est possible ? Infusions courtes et généreusement dosées, infusions longues avec moins de feuilles, et toute la panoplie des intermédiaires sont-ils raisonnablement envisageables pour les thés verts japonais ?


Faut-il laisser les choses se faire d'elle-mêmes en suivant son inspiration et son envie du moment ? Je m'imagine parfaitement, lors des chaudes périodes d'été, me désaltérer avec ce type de sencha en privilégiant des infusions longues, multiples et mettant en jeu de grands volumes d'eau ; à l'opposé, deux ou trois tasses de liqueur plus concentrée de ce même thé me plairont beaucoup aux premières heures du jour, plus fraîches, pour commencer la journée avec une liqueur plus énergique, plus concentrée.

Quoi qu'il en soit, j'aime décidément beaucoup ce sencha. Généreux, franc et incroyablement doux, il est vraiment très agréable à déguster. Il est fort probable que je ne trouve "mes" paramètres d'infusion avec ce thé qu'au bout de quelques dizaines d'essais, c'est-à-dire lorsque le sachet sera presque terminé, et qu'il sera temps de passer au suivant :)

Ce dont je ne doute pas, c'est qu'avec un thé aussi bon, j'aurais eu à chaque fois un superbe résultat, quelle que soit la variante d'infusion utilisée.

13 commentaires:

Philippe de Bordeaux filipek a dit…

Dans quelle mesure les préférences gustatives personnelles doivent-elles prendre le pas sur un éventuel "idéal" de liqueur que l'on est plus ou moins sensé obtenir au final ?
Ne se retrouve-t-on pas en fin de compte dans la même posture qu'avec un pu erh où - presque - tout est possible ?

Questions bien posées : la technique de base on doit la connaitre, les techniques on se doit de les pratiquer et enfin tu en tires les enseignements et tu fais à ton gout et une certaine idée d'harmonie.
La contrainte sous l'ordre de la technique au début et enfin la liberté d'infuser comme l'on sait et l'on veut par la suite.
Ton article dans l'esprit du débutant pose bien la question;merci.

. PHILIPPE .

Anonyme a dit…

Ce dont je ne doute pas, c'est qu'avec un thé aussi bon, j'aurais eu à chaque fois un superbe résultat, quelle que soit la variante d'infusion utilisée.

C'est l'essentiel. Cela souligne en outre la qualité de ce thé, même s'il est « basique ». La sélection de la boutique de Florent est vraiment bien.

Tant mieux que cette découverte des thés japonais se déroule sous de bons augures. Bonne continuation !

Adapte chaque dégustation à ton état d'esprit du moment. Accorde-toi avec tes thés et tes paramètres d'infusion. Puisque tu n'aimes pas le thé tiède, ne continue pas dans la voie du « corsé » et approfondis les autres chemins. De nouvelles ramifications viendront.
Je te souhaite de faire de belles découvertes.

David a dit…

Vu l'emballage en photo, je pense que les miettes sont dues à l'étuvage. C'est donc normal. Un sencha faiblement étuvé (asamushi) sera composé de feuilles entières, et un étuvage long (fukamushi) aura beaucoup de brisures. Les médiants sont appelés chumushi. J'avoue que je ne connaissais pas le terme Futsu-mushi.

Le temps d'infusion devra être plus court si l'étuvage est long.

Ton approche est excellente, pleine de curiosité, à mon avis nécessaire à la découverte d'un nouveau thé.

Perso, j'ai tendance à faire des paramètres cools pour les asamuchi, tandis que j'aime les fukamusi un peu plus corsés.

Mais comme le souligne Julien, il faut faire selon ses envies, et rester curieux.

Vivement la suite !

Nicolas a dit…

Bonjour Sébastien,

Article vraiment bien ficelé et très didactique. Je me suis régalé à le lire.

Nicolas

lionel a dit…

Comme les copains je me suis régalé à lire cet article Sébastien, comme tu t'es régalé à déguster ce 八女茶. C'est une bonne nouvelle car j'ai aussi ce thé et ta description correspond bien à ce que j'en attends, donc c'est prometteur !

Sur tes paramètres : une eau à 50°C (2è methode), c'est trop peu je pense.
Sur ce type de thé je suis sur :
- 4 à 5 g pour 10 cl
1/ 70°C et 30-45 sec
2/ 80°C et 15-20 sec
3/ 85°C et plusieurs minutes...J'aime cette 3è infusion, tres differente mais seduisante...

C'est bizarre, avec les japonais, contrairement à toi Sébastien, je n'ai jamais expérimenté quoi que ce soit sur les parametres de prepapration. Pour les thés de Y. Hiruma, je suis ses conseils. Pour les autres, je suis les conseils de Florent et en gros c'est ce que j'écirs ci-dessus. J'essaie d'être au mieux dans le moment, de vivre le thé et les ustensiles, sans m'encombrer l'esprit à tout bien préparer (meme si j'utilise un thermometre et une balance). Je les prends comme ils viennent. D'ailleurs, depuis quelques semaines je bois du sencha 'into the wild' : assis dans les feuilles mortes au pied d'un arbre, sans appareil de mesure aucun, sans compter les secondes : le thé n'est jamais 2 fois le même, mais c'est toujours un tres beau moment !

Sinon pas de souci de verse avec la Tozo et un thé + fragmenté Sébastien ?

vacuithe a dit…

La prochaine fois je procéderai avec tes paramètres Lionel. Ajoutée aux 3 essais que j'ai fait, cette quatrième version m'aura permis de mieux cerner ce sencha, c'était un préalable obligatoire pour moi, qui débarque en grand néophyte dans l'univers des thés japonais. Mais pour la suite, je ne vais pas tester 50 variations supplémentaires de paramètres : ce sera le moment de simplement "boire le thé".

Ta description de sencha into the wild est très séduisante, et me donne des idées !
Comment fais-tu pour l'eau chaude, assis sur ton tapis de feuilles mortes ? Un feu de camp ? Une bouteille thermos ?

Pour la Tozo et son filtre minimaliste, je n'ai pas 'trop' de problèmes, mais j'avoue qu'il est souvent difficile d'extraire les toutes dernières gouttes. Mais bon, je m'en sors.

Il y a quand même une chose qui me déplaît définitivement dans les thés verts japonais, c'est l'aspect des feuilles infusées. Autant il j'aime beaucoup manipuler et observer les feuilles de pu'er/wulong/vert/rouge chinois en fin de session, autant la "bouillie verte" qui reste dans le fond du kyusu ne m'enchante pas. C'est vraiment désagréable et pas pratique, cette mixture gluante... Quant à ausculter/observer les feuilles, c'est tout simplement impossible.

Par contre, j'avais lu ici ou là qu'on pouvait réutiliser ces "feuilles" après infusion pour en faire des vinaigrettes ou autre chose, vous avez des infos là-dessus ?

lionel a dit…

Sébastien : j'utilise une bouteille thermos. Ça marche bien. Je ne sais pas combien de temps l'eau peut rester chaude mais remplie juste avant de partir avec le sac à dos ou le velo à quelques kilometres c'est nickel !

Vider la Tozo : effectivement pas toujours aisé. Tu tapotes l'arrière-train de la belle (je parle de la théière...), ramenant les feuilles à l'arrière, puis tu lui souffles dans le bec ! et verses le liquide restant...C'est un coup à prendre...

Feuilles infusées : effectivement c'est une belle bouillie. Et encore tu verras avec des fukamushi...Faut accepter ça, de ne pas examiner les feuilles en fin de session comme tu le fais avec un beau wulong feuilles entières...Il m'arrive souvent d'en manger quelques unes en fin de session...pour prolonger le plaisir...^_^

David a dit…

Bizarre la montée en température brutale entre les deux premières infusions lionel, comme s'ils étaient faits pour concentrer les saveurs sur deux infusions et non trois comme on le voit souvent.

J'aurais plus vu un profil comme :

4g/10cl
1 - 70°/40sec
2 - 75°/30sec
3 - 80°/60sec

C'est ce que je fais sur les fukamushi, en dosant néanmoins des fois un peu plus fortement. Je les cite juste pour info, car je ne connais pas ce thé. Mais c'est la première fois que je lis de tels paramètres. Comme quoi. ^^ J'essaierai.

Sébastien, tu n'as pas pu observer de belles feuilles sur l'asamushi de Hiruma-san ? Pour les techniques de verse, je dirais qu'il faut aller très doucement pour que les feuilles restent au fond le plus longtemps possible avant de se coller au filtre. Il y a plein "d'astuces" possibles.

Pour consommer les feuilles, ça se fait en général avec les thés de haute volée comme les gyokuro. Il y a plein de recettes possibles. La plus simple est de les déguster juste additionnées de sauce soja.

vacuithe a dit…

Verser tout doucement, oui j'ai remarqué que ça aidait. Souffler dans le bec, je n'avais pas encore osé, je n'y manquerai pas ! ^^

Merci David pour cette nouvelle série de paramètres, j'ai de quoi m'occuper maintenant. Si tu as des liens pour les "recettes" à base de feuilles de thés verts japonais, je suis preneur.

lionel a dit…

Bien vu David : passer à 80°C pour la seconde infusion est quelque chose que propose Florent...Je vais essayer ta proposition de montée plus progressive en temperature. Merci du tuyau !

Après c'est aussi selon le thé : un thé avec peu de reserve on cherchera à maximiser le rendu sur 2 infusions, donc 70 puis 80°C par ex. Un thé avec plus de coffre on montera plus progressivement en temperature...

Au passage David : j'ai reçu tes thés hier. UN GRAND MERCI. Je te renvoie l'ascenseur sous peu...

Florent Weugue a dit…

Bonjour,
Je ne suis pas certain que ce soit une bonne chose que le "vendeur" intervienne ici, mais nous en somme au début, allez !

Les indications que je donne ne sont que des indices, une base à adapter selon ses goûts et humeur. Il n'y a pas selon moi d'idéal. La bonne réponse, c'est celle qui offre une liqueur qui offre satisfaction.

En ce qui concerne ce Yame, il me fut présenté comme futsumushi (ce terme désigne exactement la meme chose que asamushi), mais cela vaut par comparaison avec l'ensemble de la production de Yame, ou des fukumushi bien plus décomposés forment le gros de la production. Mais il reste vrai qu'avec ce sencha, le terme de chumushi conviendrai mieux (il s'agit d'un terme qui n'a pas d'existance officielle). La mise sous vide, de manière étonnante, n'abîme pas les feuilles de manière significative.

Pour la méthode d'infusion, c'est encore une fois à chacun de se faire son idée, d'expérimenter. Je pense néanmoins qu'en effet, avec ce type de sencha, la méthode espresso n'est surement pas la plus probante.

Pour finir je suis content que ce thé puisse apporter du plus, puisqu'il s'agit bien de sa raison d'être.

David a dit…

Ah ! Voila le service apres vente ! :-) En ce qui me concerne, je suis ravi de ces précisions, surtout que du coup, j étais loin du compte. Merci Florent.

J ai hâte d arriver a la période des shincha pour découvrir ta sélection.

vacuithe a dit…

"Je ne suis pas certain que ce soit une bonne chose que le "vendeur" intervienne ici"

Au contraire ! Tu es le bienvenu pour donner des précisions et/ou indications comme tu viens de le faire, et je t'en remercie. De plus, elles profiteront à d'autres que moi et permettront d'avancer un peu plus vers la compréhension de cette famille de thés.
Je ne vais pas tarder à ouvrir un deuxième sachet, donc à bientôt :)