Une définition absurde, mais rigolote, avant de s'y mettre sérieusement (définition trouvée dans le glossaire des jolis mots) :
Non, on ne dit pas "vidisme", "vidaison", "viditude" mais on dit vacuité.
vacuité: subst fém. Fait qu'un contenant, un milieu soit vide.
"Le fait d'être vide", c'est à peu près tout ce que vous trouverez dans un dictionnaire de français. Mais ce n'est pas en France que se situe l'origine de ce concept allant bien au-delà de l'état de plénitude ou de "viditude" d'un contenant.
La vacuité à laquelle je voulais faire un clin d'œil avec le nom de ce blog est la vacuité du bouddhisme. J'ai eu il y a maintenant une bonne douzaine d'années une période "Hare Krishna" (Ravi Shankar, chemise indienne, encens et compagnie - ne riez pas), suivie d'une période Zazen (avec l'hypnotique Hannya Shingyo, les genoux en compote et le redoutable Kyosaku).
J'ai maintenant - depuis un bon bout de temps - laissé de côté le zafu et les CD de chants tibétains mais j'ai gardé un intérêt certain pour les "philosophies" orientales (comprendre plutôt : une sorte de fascination exercée sur un occidental par des cultures qui mettent - ou mettaient - en lumière ce que nos sociétés du "progrès" ont oublié à tort).
Pour expliquer la vacuité, Siddhartha Gotama - le Bouddha - demanda un jour à l'un de ses bhikkhus si le bol qui se trouvait devant lui était plein ou vide. Son disciple, observant le récipient rempli d'eau, lui répondit qu'il était plein. Le Bouddha lui demanda alors d'aller vider le bol ; le bhikkhu s'exécutât et revint auprès de son maître qui lui reposa la même question. "Il est vide !" répondit le disciple.
Le Bouddha expliqua alors à l'assemblée que le bol était au contraire plein d'air et que la vacuité n'était pas un phénomène que l'on pouvait isoler. Le récipient pouvait être vide d'eau, plein d'air, mais jamais vide, ce serait une vision erronée. Pour être vide ou plein, le bol devait tout d'abord exister, et son existence présupposait la présence de tous les éléments (eau, air, feu, terre).
Devant les signes d'incompréhension que commençaient à manifester les disciples écoutant attentivement ses enseignements, le Bouddha entreprit de poursuivre son explication, toujours à partir du bol.
Cet objet, comme tous les dharmas (phénomènes), nécessite de pratiquer la vision profonde pour en discerner le caractère impermanent, changeant et interdépendant. Voir ce bol vide d'eau, par exemple, est une vision erronée : sans eau, le potier n'aurait pas pu diluer l'argile utilisée pour le créer.
La présence de ce bol vide dépend donc de la présence de l'eau, mais également de celle du feu sans qui la cuisson du bol eût été impossible, de l'air sans lequel aucune combustion n'est possible, air sans lequel le potier n'aurait d'ailleurs jamais existé. De la même manière, les arbres qui ont donné le bois nécessaire à la cuisson ont eu besoin de la terre, de la pluie, du vent, du soleil, etc.
En contemplant ce bol, on peut discerner tous les éléments interdépendants qui lui ont donné vie, et qui sont présents à l'intérieur et à l'extérieur de celui-ci. Et votre propre conscience n'est rien d'autre que l'un des constituants de ce bol.
Je laisse la parole au Bouddha :
"Bhikkhus, regardez profondément ce bol, et vous y verrez l'univers tout entier qu'il contient dans son intégralité. Il n'y a qu'une chose dont le bol soit vide, un soi individuel et séparé. Un soi individuel et séparé serait un soi existant par lui-même, indépendant de tous les autres éléments. Aucun dharma ne peut exister indépendamment des autres ni posséder un soi essentiel et séparé. Ceci est le sens de vacuité. Vide veut dire vide d'un soi séparé."
Cette anecdote est tirée du livre "Sur les traces de Siddharta", dans lequel Thich Nhat Hanh retrace la vie du Bouddha de sa naissance à sa mort avec la fidélité la plus absolue aux textes originels, en ayant pris soin d'éliminer de son récit tous les miracles accomplis par le Bouddha (qui font davantage partie du folklore et du mythe que de la véritable existence du Bouddha Shākyamuni).
Malgré cette première approche pourtant très concrète (matérialisée par le bol), le concept de vacuité reste tout de même assez nébuleux. Comme tout ce qui relève des expériences mystiques, je ne vois pas de quelle façon la vacuité pourrait être décrite, analysée, classifiée, disséquée. Faut-il d'ailleurs en parler ? Seuls peut-être quelques vieux sages, au bout de plusieurs décennies d'apprentissage et de méditation auront éventuellement entrevu directement ce qu’est la vacuité. Prétendre alors écrire un article sur le sujet n'est que pure fatuité ! Mais bon, maintenant que j'ai commencé...
L'Anneau de la Voie, un grand classique de l'iconographie du Zen japonais.
Très graphique, cette image va reposer vos yeux et vous préparer à la lecture des textes ci-dessous...
La vacuité dont je souhaite parler ici n'a finalement pas vraiment de rapport avec le vide, l'absence de (absence de thé dans une tasse, d'objets dans un sac...). Le mot sanscrit d'origine (sunnata, dont le sens premier est "ceci est parce que cela est") devait bien être traduit d'une manière ou d'une autre et c'est ce mot français qui a été choisi, mais il ne faut pas pour autant s'arrêter à son sens littéral.
Dans le bouddhisme, quand il est dit que tout est vacuité, cela signifie que tout est par nature interdépendance et impermanence. Votre tasse à thé - bien avant de contenir votre liquide favori - a bel et bien existé sous forme de terre brute, qu'un potier a tournée puis cuite dans un four à bois, bois issu d'un arbre qui lui-même... etc.
Si nous étions des êtres éveillés, nous pourrions - tout comme le Bouddha - expérimenter la nature de la vacuité et y demeurer afin de contempler l'absence de caractère substantiel, fixe et inchangeant de toute chose.
"La forme est vide. La vacuité est la forme. La vacuité n'est pas autre que la forme et la forme n'est pas autre que la vacuité. De même, la sensation, l'identification, les facteurs composés et la conscience sont-ils vides.
Ainsi tous les phénomènes sont-ils vacuité ; ils sont sans caractéristique ; ils ne naissent ni ne cessent ; ne sont ni souillés ni non souillés ; ni déficients; ni parfaits.
En conséquence, dans la vacuité il n'y a ni forme, ni sensation, ni identification, ni facteurs composés, ni conscience ; ni œil, ni oreille, ni nez, ni langue, ni corps, ni mental ; ni forme, ni son, ni odeur, ni saveur, ni objet du toucher, ni phénomène mental. De l'élément de l'œil et ainsi de suite, jusqu'à l'élément de la conscience du mental, il n'y a pas d'élément. Il n'y a ni ignorance ni élimination de l'ignorance et ainsi de suite, jusqu'il n'y a ni vieillissement et mort, ni élimination du vieillissement et de la mort. Et à l'avenant, il n'y a ni souffrance, ni origine de la souffrance, ni cessation, ni voie ; il n'y a ni sagesse transcendante, ni obtention, ni non-obtention.
Ainsi, puisqu'il n'y a pas d'obtention, les bodhisattvas se fondent-ils sur la perfection de la sagesse et ils demeurent en elle, l'esprit sans voile et sans peur. Et comme ils sont passés bien au-delà de toute erreur, ils parviennent au stade final du Nirvāna. C'est en s'appuyant sur la perfection de la sagesse que tous les bouddhas des trois temps eux aussi font naître pleinement l'insurpassable éveil parfaitement accompli.
Aussi le mantra de la perfection de la sagesse, le mantra de la grande connaissance, le mantra auquel rien n'est supérieur, le mantra égal à l'inégalable, le mantra qui apaise à jamais toute souffrance, doit être reconnu comme véridique car il ne trompe pas. Et voici le mantra de la perfection de la sagesse :
Tadyathā [om] gaté gaté pāragaté pārasamgaté Bodhi Svāhā (aller, aller, aller au-delà, au-delà du par delà, que l'éveil soit réalisé!)
C'est ainsi qu'un bodhisattva Mahâsattva doit s'exercer à la profonde perfection de la sagesse."
[Traduction du Sūtra du Cœur (Hridaya sūtra), l'un des textes les plus importants du bouddhisme.]
En cliquant sur l'image ci-dessous, vous pourrez avoir les "paroles" de l'Hannya Shingyo, qui n'est rien d'autre que le Sūtra du Cœur à la sauce bouddhisme zen japonais (tout est lié, tout est interdépendance, tout est vacuité je vous dis !). Comme ça vous pourrez le chanter chez vous en regardant la vidéo déjà donnée en lien plus haut.
D'ailleurs, la dernière phrase de l'Hannya Shingyo :
Gya tei, gya tei, hara gya tei. Hara so gya tei. Bo ji so wa ka.
ressemble un peu au mantra en sanscrit :
Gaté gaté pāragaté pārasamgaté Bodhi Svāhā.
Bref. De toute façon je ne suis pas linguiste.
J'aime à croire (et c'est le résidu, le condensé de ma période "pseudo-mystique") que l'action de boire du thé, de "remplir une tasse de vide avec du thé", est un support comme un autre pour ne serait-ce qu'entrevoir un petit quelque chose que je suis incapable de définir tout comme je ne suis capable de décortiquer le goût d'un pu erh (et pourtant, j'essaie !).
Il me vient à l'esprit quelques photos ou descriptions de thés de Stéphane (Teamasters), à travers lesquelles transparaît la certitude qu'au détour d'une tasse de thé il est possible de voir la montagne, de sentir les rayons du soleil qui ont abreuvé les feuilles de thé, la fraîcheur des brumes...
Bien que je manque cruellement d'expérience et de réceptivité en la matière, je crois être en mesure de comprendre la "théorie" du concept de vacuité au sens "impermanence/interdépendance" par l'expérimentation du thé. Et je suis sûr que vous aussi, vous comprenez ça. Sûrement mieux que moi d'ailleurs.
Le paradoxe de nos sociétés dites "du progrès" [qui nous conduisent à un désastre inéluctable : physique (environnemental par exemple) ou en terme de dignité humaine (asservissement, conditions de vie)*] nous plonge dans une sorte de schizophrénie insoluble : nous avons atteint un niveau technique qui nous permet de nous déplacer dans les airs, de voyager sous les mers, de voir instantanément ce qui se passe partout dans le monde et même hors de notre planète et cependant, notre esprit, si proche de nous, reste une réalité impénétrable. Le développement de la science et la maîtrise des conditions matérielles nous a apporté un degré de confort et de bonheur extérieur très élevé mais le prix à payer pour cette illusion est trop cher : la méconnaissance de nous-même et de notre esprit nous afflige par la souffrance, la frustration et l'angoisse.**
L'être humain, "déshumanisé" par l'inexorable perversion de sa nature originelle (orchestrée par une machinerie bien huilée), cherche donc consciemment ou non à retisser des liens avec sa condition d'origine : celle d'une espèce qui vivait autrefois dans, avec, et par la nature. L'homme d'aujourd'hui, individualisé et dépossédé de son libre-arbitre, cloitré dans quelques mètres carrés de béton, est privé de ce rapport direct avec la nature qui sous-tendait sa survie. Des activités de substitution lui sont plus ou moins imposées pour donner un semblant de sens à sa vie et satisfaire son besoin de réalisation. Serait-ce ce besoin primaire de "nature" qui rejaillit aujourd'hui par la quête du thé par ci, la mode des matériaux éco-responsables par là, l'essor du bio et le discours culpabilisatoire (oui, j'invente des mots) du green business ?
Pardonnez-moi digression socio-polito-ethno-économique fumeuse, contradictoire et bourrée de clichés, je reviens à mon sujet.
Considérer que notre esprit (le moi, le soi) est dépourvu d'existence intrinsèque est donc ce que l'on appelle vacuité. Les objets du monde extérieur ainsi que tout ce qui se présente à nous comme formes, saveurs, sensations, ne sont que des projections de notre esprit qui est vacuité. Toutes ces expériences sont donc illusion : un agencement de facteurs interdépendants dépourvu d'existence propre. La méditation permettrait de conclure de façon certaine à l'absence d'entité autonome dans tout objet de connaissance. Demeurer dans cette expérience, ce serait donc méditer la perfection de connaissance transcendante.
Oui, mais tenter de le mettre en pratique cette approche de la vacuité est purement illusoire pour un occidental aussi pénétré des subtilités de la philosophie bouddhiste que moi. Si tout est illusion, y compris les saveurs, la tasse et les feuilles de thé, à quoi bon boire du thé alors ?
Ah oui : pour se désaltérer tout en appréciant le goût de cette boisson.
Même si tout n'est "que" vacuité, je préfère quand même voir ma tasse pleine de thé que pleine d'air.
Pour ceux qui ont lu jusqu'ici (s'il y en a) : bravo et merci. Vous avez bien mérité de vous détendre un peu. Je vous propose un petit peu de coloriage, un mandala sur le thème de l'eau, trouvé sur ce site.
Allez hop, on clique, on imprime, on prend des feutres !
Ne vous fiez pas à l'apparente innocence de cette activité. Elle va vous permettre de recentrer vos énergies, de développer la connaissance de votre moi profond, d'ouvrir vos chakras et d'entrer en résonance avec les énergies cosmiques qui vibrent avec la lumière de votre aura. ^_^
Un dernier petit effort, et je vous laisse tranquille.
Que retenir de cet "article" ? (si tant est qu'il faille en retenir quelque chose...)
Tout d'abord, que ma vision du thé ne se limite pas, contrairement aux apparences, à une boulimie de galettes, une soif inextinguible de découvertes aromatiques, une quête sans fin de goûts différents et d'excellence gustative.
Pour autant, mon approche n'est pas non plus mystique, ni pénétrée de philosophie de comptoir à la sauce orientale. Car malgré cet article sur la vacuité, bourré de références au bouddhisme et au zen, ma vraie vie de tous les jours n'est pas vraiment emprunte de méditation et de contemplation.
Le thé est avant tout - il ne faut pas se leurrer - un hobby comme un autre. Un intérêt certes noble et emprunt d'humilité pour cet univers fascinant et pour les cultures associées à cet art dans d'autres civilisations, mais finalement ne suis-je pas buveur de thé comme d'autres collectionnent les timbres ou jouent du violon ? N'est-ce pas une activité de substitution, un passe-temps qui permet d'oublier un temps que la vie que nous menons n'a plus grand chose à voir avec notre condition originelle ?
Cette considération amère et réductrice n'est pourtant pas à prendre comme une conclusion pour le moins déprimante. J'ai, pour ce que d'autre ont dénommé Voie, Chemin, ou Route, un profond respect et mon cheminement personnel se fait dans la joie et la bonne humeur. Je garde cependant à l'esprit que ce n'est qu'une illusion. Une illusion plaisante, mais une illusion.
Un bilan synthétique : boire du thé est un loisir, une activité qui entretient l'illusion d'un rapport avec la nature. Boire du thé, c'est une façon comme une autre de découvrir d'autres cultures, et de se flatter les papilles avec des arômes exceptionnels. De marquer des pauses dans la vie de tous les jours, de prendre le temps de "méditer". De méditer sur le caractère illusoire des phénomènes (de plus en plus d'actualité), de prendre de la distance en portant une tasse de thé à ses lèvres. Définitivement, pour moi vacuité s'écrit bien avec un "H". CQFD.
Évidemment, je n'ai rien démontré du tout. Dans cet article, j'ai essayé de vous expliquer maladroitement pourquoi le mot "vacuité" était affublé d'un "H" dans le nom de ce blog, et d'exposer le lien unissant - dans mon approche toute personnelle de la chose - le thé et ce concept obscur.
C'est parti un peu dans tous les sens, il y a sans doute des erreurs dans ce texte (si des spécialistes du sujet me lisent, je suis preneur de corrections éventuelles) mais c'est ma vision des choses à cet instant T (thé!).
* L'effondrement du système technologique (Théodore Kaczynski)
** La voie du Bouddha (Kyabdjé Kalou Rinpoché)
11 commentaires:
Ben là tu m'épates Sébastien.
Cet article est un vrai travail d'investigation autour d'un mot unique.
Le mot vacuité, j'y reviendrais plus tard dans les commentaires.
Au delà de ton humilité, je suis persuadé que chacun pourra y puiser des informations; tellement le texte est richement paré de références et d'ouvertures pour l'esprit.
Faut simplement laisser le temps aux lecteurs de digérer le concept.
Tu sais, sur mon blog, l'article qui parle du Qi est le plus commenté (19 commentaires), mais aussi le plus lu (237 fois).
Alors si toutefois tu désires stopper quelques jours tes articles sur les galettes, cela te permettra de voir venir la vague qui se profile à l'horizon.
A plus tard
Nicolas
"La suprême Vertu est comme l`eau...
Conserver plein ce qui va déborder...
Les vases sont faits d'argile, mais c'est grâce à leur Vide
que l'on peut s'en servir....
Regardant on ne le voit pas, on le nomme l'Invisible
Ecoutant, on ne l'entend pas, on le nomme l'Inaudible
Touchant; on ne le sent pas, on le nomme l'Impalpable....
En haut, il n'est pas éclairé; en bas il n'est pas Obscur.
Il est éternel, il est sans nom....
On peut dire qu'il est FORMEsansFORME...
allant à sa rencontre, on ne voit pas sa face
le suivant, on ne voit pas son dos...
......
effacés; comme la glace fondante
simples; comme le bois non travaillé
vides; comme la vallée...."
LAO TSEU ~Tao te king
*
Je plonge ma conscience dans le cercle de ma tasse.
Ici et Maintenant. Rien d`autre.
~i m m e d i a c i t é~
Merci infiniment
Merci Sébastien de partager avec nous tes reflexions sur le sens du thé.
Très vivant et bien écrit.
Remarquable & Complet
Chapeau Sébastien .
Amitiés .
. PHILIPPE .
>> boire du thé est un loisir, une activité qui entretient l'illusion d'un rapport avec la nature
Je ne partage pas cet avis Sébastien. Boire du thé est un loisir, oui, mais pour moi il va beaucoup plus loin...Depuis que j'ai découvert les thés japonais, le thé est pour moi une voie de vie toute entière, ou senchado. Bien-sûr c'est prétentieux de dire ça, mais c'est ce que j'essaie de vivre au quotidien. Ca ne se décide pas ainsi du jour au lendemain, ça ne se décrète pas. Ca se travaille patiemment...Les thés japonais, pour moi, contrairement aux autres thés que j'ai aimés jusqu'alors (pu er, rochers, wulongs de taïwan), invitent mieux que tout autre thé à cela. Quelque chose qui se vit au quotidien, avec les papilles évidemment mais avec tout le corps, et qui se prolonge toute la journée...
Quant à l'illusion d'un rapport avec la nature, si peu que je le pratique, je ne pense pas être dans l'illusion mais dans la réalité, là aussi via le thé japonais. Les objets de thé japonais, un kyusu cuit au feu de bois, un yunomi de Bizen, sont de formidables objets de nature. Et quand je parcours les forêts et les champs qui m'environnent, avec mes bottes, dans la boue, sous la pluie ou le vent, après une dégustation d'un bon sencha, je vis la nature au plus profond de moi...
À vrai dire, j'ai été moi aussi un peu rebuté par ta conclusion. Non pas que ta conception du thé me gêne - au contraire, j'apprécie ce ton distant, humble et souvent drôle ; mais pour autant, cela signifie-t-il que "boire du thé" ne puisse représenter autre chose ?
Derrière les admirables mots de Lionel, on devine au contraire une démarche profonde et qui n'est en rien mystiquement ridicule, et il m'arrive quelquefois également de vivre, en préparant et en dégustant un thé, des moments qui figurent parmi les plus beaux et les plus lumineux de mon existence.
Cela ne retire rien à la qualité générale de l'article, bien sûr : mais il me paraît important de rappeler qu'aucune voie n'est vraie ou fausse, et qu'en ces matières il n'y a pas à poser de limites.
@ Tous : merci pour votre passage sur ce blog et pour votre réaction à cet article qui sort un peu de ce que je publie habituellement.
@ Lionel & Robin : je ne voulais froisser personne, il ne s’agit ici (surtout à la fin de l’article) que de mon avis très personnel, et surtout à un moment donné (au tout début à vrai dire) de son parcours. A T+1, j’aurais peut-être une « conclusion » un peu moins tranchante. D’ailleurs cette conclusion (qui n’en était pas une) ne sous-entendait surtout pas que « boire le thé » ne représente rien d’autre qu’un passe-temps ou une découverte aromatique (cette pratique m’a apporté à moi aussi des émotions qui vont au-delà de l’aspect gustatif, surtout avec des jeunes sheng pour tout dire). Mais en gardant les yeux bien ouverts, je ne peux pas me départir de l’idée que c’est un hobby. Ce n’est pas QUE ça, mais ça l’est bel est bien.
Quand je parle de rapport à la nature, l’application de mon discours au monde du thé est entachée par les considérations développées dans ma « digression » un peu fumeuse, mais qui sont le reflet d’états d’âme bien réels. Cela n’avait pas grand chose à faire ici mais c’est lié à ma pratique du thé comme au reste de ma vie. Désolé d’avoir un peu plombé le sujet avec ça ! Pour finir avec ce rapport avec la nature, évoquer une symbiose avec la nature par le thé et les objets de thé alors que ces derniers ont traversé la planète en avion, qu’ils ont nécessité de l’électricité nucléaire, des machines, des pesticides, etc… pour arriver jusqu’à moi me semblait un peu paradoxal. Cela ne m’empêche pas pour autant de faire venir du thé et du matériel de Chine… c’est ce qui explique le paradoxe (la schizophrénie) de mon billet.
J’espère n’avoir « posé aucune limite », n’avoir dénigré personne, et n’avoir à aucun moment considéré que telle ou telle pratique était vraie ou fausse.
Merci en tout cas d’avoir réagi à cet article !
Pour finir (je voulais en parler dans mon article mais j’ai totalement oublié), je vous conseille fortement la lecture de la BD de Larcenet (le tome 1) : Le sens de la vis (sous-titre : la vacuité)
http://www.bdtheque.com/main.php?bdid=6814
Jubilatoire ! Trait épuré, très drôle et tout à fait dans le sujet. Le tome 2 vient de sortir, je ne l’ai pas lu mais cela e saurait tarder.
Bonjour Sébastien,
Je me permets d'intervenir de nouveau dans les commentaires sur le sujet de la vacuité (sans "h").
La vacuité au sens tibétain du terme est un concept difficile à comprendre par l'intellect humain (comme le Qi). Non-pas que les lecteurs manquent de facultés mentales, mais de facultés "au-delà du mental", si j'ose m'exprimer ainsi. La vacuité réside actuellement dans des plans de conscience très "haut", des plans de consciences spirituels qui ne sont pas encore incarnés par l'être humain.
Les anciens sages de l'Inde ont su au cours de leur méditation "monter" dans les plans supérieurs et en ramener des informations. Aujourd'hui, il ne s'agit plus de monter dans ces plans, mais de les faire descendre, de les incarner. Si cela est fait, la compréhension du mot "vacuité" sera plus aisé. Par exemple .Et l'intellect humain évoluera vers ce que Sri Aurobindo appelait le sur-mental. Un mental au dessus du mental.
Voilà, j'arrête ici pour ne pas trop m'éparpiller. Je souhaitais simplement expliquer la différence de "Hauteur de plans" et la difficulté de les comprendre.
Bons thés à tous et bonne méditation pour ceux qui pratiquent.
Humblement
Nicolas
Cher Sébastien,
Un commentaire qui vient en retard, mais que je tiens à écrire parce que ton post me touche beaucoup.
Vaguement inspiré de ce concept et peut-être plus accessible à nos esprits occidentalisés, il y a le film Matrix, qui jongle avec une théorie (simplifiée, il est vrai, mais) semblable.
En ce moment, jongler avec le vide constitue mon quotidien -- trouver un sens, chasser l'illusion pour découvrir ce qui se cache derrière les ombres... Que "tout soit illusion" sonne une cloche d'alerte chez moi, me fait entrevoir une autre façon d'appréhender le monde... une façon peut-être plus positive que la précédente.
Je vais y réfléchir et je te reviens là-dessus. Merci beaucoup.
Leaf / Sara xxx
Merci Sébastien pour le mandala et ce jolie moment de lecture méditative :)
C'est mon heure de thé :)
Bonjour,
C'est courageux et audacieux d'écrire sur la Vacuité, surtout sur un site non bouddhiste ou non consacré à la spiritualité ! Avec l'humour en plus, Bravo! :)
En effet c'est difficile de parler de vacuité car il ne s'agit pas seulement d'un concept: il est question de la nature de la réalité, rien que ça !
L'approche intellectuelle est déjà énorme mais la Vacuité ne peut être vraiment appréhendée que par la méditation. Le mental ne peut pas accepter qu'une chose soit à la fois réelle et irréelle, que les phénomènes existent mais soient irréels. Et pourtant...
Le mental fonctionne sur le mode de la dualité qui est la source de notre ignorance fondamentale.
L'analogie du rêve revient souvent dans la tradition: ce thé que je bois existe bel et bien, oui mais seulement comme dans un rêve. C'est juste un phénomène interdépendant sans aucune essence, le voir comme réel est une déformation, une illusion, ce n'est qu'une imputation mentale.
Vacuité et compassion constituent le coeur de la spiritualité bouddhiste. C'est une chance énorme d'avoir accès à cette Voie de sagesse: vous dites avoir laissé tomber les pratiques spirituelles, c'est fort dommage! Moi depuis que je médite, le thé que je bois à une saveur Unique! ;)
Sylvain
Enregistrer un commentaire